SOMMAIRE :
- COMPTE-RENDU DE LA COMMEMORATION DE LA RAFLE DES JUIFS DE TUNIS PAR LES S.S A LA GRANDE SYNAGOGUE DE LA VICTOIRE
- OFFICE DE CHABBAT WAYIGACH AU CHÂTEAU ZALTHABAR
✅ COMMEMORATION DE LA RAFLE DES JUIFS DE TUNIS PAR LES S.S. A LA SYNAGOGUE DE LA VICTOIRE
Nous sommes très fiers de cette belle cérémonie organisée par le Centre français du judaïsme tunisien (CFJT) ce dimanche 5 décembre (1er tevet 5782) à la Grande Synagogue de la Victoire, cérémonie commémorative de la rafle des Juifs de Tunis par les SS qui eut lieu précisément le 1er Tevet 5703 (9 décembre 1942), en présence de Monsieur Haïm Bittan, Grand Rabbin de Tunisie venu spécialement pour l’occasion.
Merci à l’Oratoire tunisien de la Victoire, au Centre ALEF et à la Fédération des associations des juifs originaires de Tunisie qui se sont joints à son organisation.
Merci au Rabbin Moshe Sebbag et au Président Jacques Canet pour leur accueil à la Grande Synagogue de la Victoire.
Merci à toute l’assistance qui s’est déplacée, permettant que la Grande Synagogue soit remplie aux 3/4 pour rendre un hommage aux victimes dont les noms ont été rappelés.
Merci à l’ensemble des représentants des instances communautaires (Elie Korchia, Président du Consistoire de France, Joël Mergui, Président du Consistoire de Paris, Francis Kalifat Président du CRIF, Gil Taïeb, vice-président du FSJU représentant son président, Ariel Goldmann), à Monsieur le Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim, aux représentants du gouvernements, à Monsieur Meyer Habib, Député de la huitième circonscription des Français établis hors de France, aux nombreux élus, rabbins, etc qui étaient présents. RV est déjà pris pour l’an prochain où nous vous attendons encore plus nombreux.
Des remerciements particuliers pour Michel Boujenah et Steeve Suissa qui ont lu des extraits de témoignages de l’époque, et aux talentueux hazanim Amos Haddad, Elie Mechach, Mickaël Darmon, ainsi quenla Chorale de Buffault.
Merci à Babeth Zweibaum d’avoir mobilisé les membres de sa loge Anne Franck du B’nai Brith et aux communautés qui ont relayé l’information, avec une spéciale dédicace pour la Communauté de Levallois.
Rendez-vous est d’ores-et-déjà pris pour l’an prochain.
✅ DISCOURS DE JEAN-MARCEL NATAF A LA VICTOIRE
Monsieur le Grand Rabbin de Tunisie,
Messieurs les Grands rabbins et rabbins,
Monsieur l’Imam,
Monsieur le Consul général d’Israël et Monsieur le Conseiller à l’Ambassade d’Israël,
Messieurs les députés,
Madame la représentante de madame la Maire de Paris,
Messieurs les représentants du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministre délégué aux anciens combattants,
Mesdames et Messieurs les élus,
Madame la représentante de l’UNESCO,
Messieurs les présidents du Consistoire de France, du Consistoire de Paris et du CRIF,
Messieurs les représentants du Fonds Social Juif Unifié, de l’Alliance israélite et de l’ORT,
Monsieur le vice-président de la communauté juive de Tunisie,
Messieurs les présidents et représentants des associations d’anciens déportés, d’anciens combattants, du Souvenir français et des associations de mémoire,
Madame et messieurs les représentants de l’Aumônerie israélite des Armées,
Monsieur le président de l’Amitié judéo-musulmane de France,
Mesdames et messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs,
C’est avec une profonde émotion que je m’adresse à vous.
Emotion d’avoir à parler devant les éminentes personnalités civiles et les autorités religieuses qui nous font l’honneur de leur présence qui nous touche et nous oblige.
Emotion de parler au nom du Centre Français du Judaïsme tunisien mais aussi de l’ensemble des entités réunies pour organiser cette cérémonie : la Fédération des Associations des juifs originaires de Tunisie que préside le Docteur Kabla, l’Oratoire tunisien de La Victoire, le Centre Alef fondé par le regretté Grand rabbin Sitruk.
Emotion enfin de parler dans cette belle synagogue, et je suis reconnaissant au rabbin Moche Sebbag et au président Jacques Canet d’avoir bien voulu nous y accueillir :
- parce qu’elle est la synagogue emblématique du judaïsme français,
- parce qu’elle est le lieu des manifestations solennelles de la communauté et que, depuis la fin des années 50, elle a ouvert un oratoire tunisien permettant la conservation de nos rites aux côtés des autres expressions traditionnelles du judaïsme français.
Votre présence à nos côtés, Monsieur le Grand Rabbin de Tunisie, vous qui êtes justement le gardien et le garant de nos traditions, est un réconfort et un honneur pour tous les juifs originaires de Tunisie présents ici, et ajoute à notre émotion.
Je me dois aujourd’hui de parler d’un épisode mal connu de l’immense catastrophe de la Shoah.
Les Juifs de Tunisie avaient dès 1934, fraternellement accueillis des coreligionnaires réfugiés d’Allemagne. Ils n’ignoraient pas les dangers d’une victoire de l’hitlérisme. Dès la déclaration de guerre, 3.000 Juifs de nationalité tunisienne s’engagèrent dans l’Armée française et partirent comme leurs coreligionnaires de nationalité française. Beaucoup tombèrent sur la Somme et sur la Loire.
L’Armistice de Juin 1940 allait entraîner en Tunisie comme en France la promulgation de la législation antisémite de Vichy instituant un recensement discriminatoire, des interdictions ou des restrictions : curieuse époque où
- les avocats juifs sont interdits de plaider,
- les médecins juifs de soigner,
- les enseignants juifs d’’enseigner,
- les étudiants juifs d’étudier,
- les sportifs juifs de compétitions et de clubs,
- les scouts juifs de scoutisme.
Le 8 novembre, les troupes anglo-américaines débarquent en Algérie et au Maroc pour prendre à revers l’Afrika Korps de Rommel poursuivie en Tripolitaine par l’armée de Montgomery et les Forces Françaises Libres. Aussitôt, les troupes de l’Axe occupent la Tunisie et tentent de se diriger vers l’Algérie pour rejeter les Alliés à la mer.
La Tunisie devient pour six mois un champ de bataille et comme à leur habitude, les nazis s’en prennent aux Juifs.
Un expert en la matière est arrivé en Tuinisie : Le colonel SS Rauff, ancien adjoint d’Adolphe Eichmann, l’inventeur des camions à gaz, véritables chambres à gaz mobiles et où furent exterminés avant Auschwitz des milliers et des milliers de juifs russes et polonais.
Nous sommes actuellement dans la période de Hanouka « la fête des Lumières ». Elle symbolise la victoire des Lumières, de la loi divine, sur le paganisme de la Grèce antique. Selon le calendrier hébraïque, le 6ème jour de Hanoukah est le premier jour du mois de Tevet « Roch Hodech Tevet ». En Tunisie, ce 6ème jour de Hanoukah est dédié aux jeunes filles que l’on fête au cours de réjouissances familiales dont elles sont les reines.
Mais le 9 décembre 1942, (le 1er Tevet du calendrier hébraïque) les Juifs de Tunisie n’ont pas pu se livrer à leurs réjouissances traditionnelles. Ce jour de joie s’est transformé en jour de cauchemar, d’horreurs, de pleurs et de meurtres.
Les Lumières ont cédé la place aux ténèbres.
La veille, le sinistre Rauff avait intimé au Grand Rabbin de Tunisie Haïm Bellaïche, et au président de la communauté Moïse Borgel l’ordre de lui présenter le lendemain matin 3.000 jeunes juifs destinés à être internés dans des camps de travail sur la ligne du front.
Devant l’impossibilité pour la communauté organisme de culte et de bienfaisance de satisfaire à cette exigence,
- c’est alors la rafle,
- la rafle des Juifs.
Le 9 Décembre 1942, la Grande Synagogue est profanée par les SS qui tirent à la mitraillette, détruisent le mobilier, déchirent les rouleaux sacrés de la Torah, et se saisissent de tous les assistants sans distinction d’âge ou d’état : des vieillards, des enfants, des infirmes.
La même rafle s’étend dans tout le quartier ainsi qu’aux abords de l’Ecole de l’Alliance Israélite. Les malheureux raflés feront sous la pluie et les coups de cravache, une marche de 65 kms. La première victime est un jeune homme de 19 ans Gilbert Mazouz qui trébuche et tombe épuisé au bout d’une marche de 50 kms. Un SS le tue froidement.
Pendant que 100 personnalités juives sont emprisonnées, otages voués à être fusillés selon les caprices de l’occupant, 5.000 jeunes juifs de Tunisie sont envoyés dans des camps de travail.
Travaux bien au-dessus de leurs forces physiques, consistant à transporter des munitions jusqu’aux premières lignes, à décharger des navires, à monter des rails sur les collines, à creuser des tranchées, à réparer ou construire des routes, le tout sous les bombardements et les tirs d’artillerie des armées alliées et les coups de crosses ou de cravaches des gardiens allemands.
Des rafles similaires eurent lieu dans d’autres villes de Tunisie à Nabeul, à Kairouan, à Sfax, à Sousse.
Longtemps, les Juifs de Tunisie se sont tus… par pudeur, conscients qu’ils avaient échappé au pire, c’est-à-dire à Auschwitz.
Aujourd’hui, nous connaissons les souffrances de ces hommes et la réalité des camps de Bizerte, de Mateur, de Sidi Ahmed, de Cheylus, de Goubellat, de Zaghouan etc….
Michel Boujenah et Steve Suissa qui nous font l’honneur d’être à nos côtés pour se souvenir et se recueillir vous liront tout à l’heure des extraits de récits de ceux qui ont vécu la rafle et les camps.
Quarante-sept Juifs de Tunis, de Nabeul et de Sousse moururent dans ces camps maudits pendant que leurs coreligionnaires demeurés libres devaient subir les pillages, les réquisitions de biens mobiliers, les amendes collectives (23 millions de francs de l’époque à Tunis, 35 à Sfax, 25 à Sousse, 20 kilos d’or à Gabès, 20 kilos d’or à Djerba). Il y eut aussi des viols de femmes à Tunis dans le quartier de la Hara, où des malheureuses en furent victimes sous les yeux de leurs maris, de leurs enfants, de leurs parents. Sur ces viols on a gardé le silence par égard pour les malheureuses victimes.
Au mois d’avril 1943, illustrant la folie du régime nazi, et alors que les forces de l’Axe vont de revers en revers, ils mobilisent des moyens de transport aérien – au détriment des nécessités du combat – pour envoyer un premier contingent de déportés vers l’Italie, et de là vers les camps d’Orianenbourg, d’Auschwitz, de Mauthausen, de Buchenwald.
Un second convoi aérien était prévu pour le début du mois de mai, les futurs déportés choisis. Mais dès le 1er mai, les Armées Alliées venues d’Algérie, la VIIIème armée britannique de Montgomery et les Français Libres de Larminat et de Koenig font leur jonction, enfoncent le front allemand et libèrent Tunis dans la soirée du 7 mai 1943.
Les historiens ont découvert que les SS avaient pour instructions de fusiller tous les Juifs internés dans les camps de travail si la contre-offensive allemande avait été victorieuse.
S’ils avaient réussi, mon grand-père alors étudiant et célibataire, affecté au camp de M’rira aurait été l’un de ces fusillés et je ne serais pas là ce matin devant vous.
Si tel avait été le cas, il n’y aurait pas eu d’enfants originaires de Djerba pour chanter devant vous comme ils l’ont fait au début de cette cérémonie.
Si tel avait été le cas, vous ne pourriez entendre les lectures de Michel Boujenah dont le père était au camp de Bizerte ni sans doute Steve Suissa dont la famille maternelle est originaire de Sousse.
Dans la nuit noire de ces six mois d’oppression nazie, la population juive de Tunisie meurtrie, violentée, humiliée, rançonnée, brisée, eut fort heureusement, le bonheur de rencontrer le réconfort, et parfois l’aide de chrétiens et de musulmans.
Comment oublier l’attitude du Souverain Sidi Moncef Bey, qui devant les Autorités de Vichy médusées, affirma lors d’une solennité publique « les Juifs comme les Musulmans sont mes enfants».
Comment oublier l’attitude des princes de la dynastie, son cousin et successeur Lamine Bey, les princes Raouf et Slimane Bey, qui cachèrent dans leurs demeures de jeunes juifs afin de les soustraire aux camps de travail.
Je veux assurer le Prince Fayçal Bey de la reconnaissance des descendants des Juifs alors persécutés envers la famille beylicale.
Comment ne pas saluer la mémoire de Monseigneur Gounot Archevêque de Carthage, qui à l’aube des persécutions avait rappelé dans le journal du diocèse la judéité de Jésus et de Marie et les mérites des Juifs dans l’Histoire
Au moment le plus dramatique, lorsque la communauté se débattait au quotidien avec les chasseurs de Juifs, Mgr Gounot se rendit au siège de la communauté encore revêtu de ses habits sacerdotaux pour exprimer sa sympathie envers les Juifs persécutés.
Le devoir de mémoire implique aussi le devoir de reconnaissance et nous l’exprimons dans cette cérémonie.
Reconnaissance aux responsables de la Communauté qui, face aux menaces des chefs nazis, surent garder leur sang-froid et protéger leurs coreligionnaires. Ne pouvant les nommer tous, je les réunis dans les grandes figures du Grand Rabbin Haïm Bellaiche et du président Moïse Borgel.
Dès le soir de la Libération, la Grande synagogue profanée est nettoyée, et deux jours après l’aumônier militaire Meyer Jaïs, futur Grand rabbin de Paris arrivé avec le Corps Franc d’Afrique, célèbre l’office devant une foule massive, heureuse et fervente.
Aux Ténèbres succèdent les Lumières.
Mobilisés, les jeunes juifs français pour 80% d’entre eux ne répondent pas à l’appel de l’armée régulière commandée par le Général Giraud et rallient les Forces Françaises Libres de de Gaulle comme la plupart des engagés volontaires tunisiens.
Nous rappellerons en même temps que celles des déportés et des morts dans les camps de travail la mémoire de ceux qui sont morts au Champ d’Honneur. Je n’évoquerai qu’un seul nom, celui du jeune avocat natif de Sousse Max Guedj, Compagnon de la Libération, cité par le Général de Gaulle dans ses mémoires et dont Pierre Closterman a écrit qu’il était « le plus grand des héros de l’aviation Française Libre ».
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L’action des nazis en Tunisie démontre que l’extermination voulue et programmée visait tous les Juifs, de tous les points de la Terre et pas seulement les Juifs d’Europe.
Ce qui s’est passé en Tunisie, aussi faibles aient été les pertes par rapport à celles du judaïsme européen, font partie d’un tout qui s’appelle la SHOAH et où juifs de tous pays, Séfarades ou Aschkenazes, sont liés aujourd’hui pour témoigner et, par notre hommage à ceux qui sont morts, condamner tous les racismes, toutes les idéologies négatrices de l’homme.
C’est ce qu’a parfaitement compris Babette Zweibaum avec ses amies de la loge Anne Franck du B’nai Brith qui a relayé notre action et est ici présente avec de nombreux membres de sa loge.
C’est ce qu’ont également compris les nombreuses communautés qui ont invité leurs fidèles à venir, avec des remerciements appuyés à la Communauté de Levallois.
C’est la raison pour laquelle, et nous le remercions, que le Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim, a dédié son cours hebdomadaire de Talmud de ce matin à la Victoire, à la mémoire des juifs de Tunisie qui ont péri lors de l’occupation allemande en Tunisie.
La Torah nous enjoint : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. C’est ce commandement que ne pouvaient ni comprendre ni admettre les nazis, et c’est pourquoi ceux qui incarnaient le Livre sacré devaient être éliminés de toute la surface de la terre.
Hanoukka est la Fête des lumières, elle commémore la victoire des Maccabées sur les Grecs en 165 avant l’ère chrétienne, les Grecs qui avaient profané le Saint Temple en y introduisant des statues de Zeus et autres symboles païens. Le premier geste des vainqueurs a été de purifier le Temple et d’allumer la Menora … les Lumières succédant aux Ténèbres.
Dans notre recueillement, souhaitons que l’histoire des TENEBRES fasse prendre conscience à chacun de l’ignominie de toutes les atteintes à la dignité humaine, et alors l’histoire, loin d’être un éternel recommencement, deviendra un enseignement…
Un enseignement… pour que les Ténèbres laissent à perpétuité la Place aux Lumières.
Jean-Marcel Nataf
Président du CFJT5/12/2021
ILS EN ONT PARLE :
TIMES OF ISRAEL, 28 novembre 2021 : https://fr.timesofisrael.com/paris-ceremonie-a-la-memoire-des-juifs-de-tunisie-tues-dans-la-shoah/
STUDIO QUALITA – EMISSION DE MICHAËL BLUM DU 9/12/2021 : https://fb.watch/9NDAAn0X3y/
✅ SAMEDI 10 DECEMBRE à 9h00 : CHABBAT WAYIGACH , au Château Zalthabar, 48 rue de Villiers, Levallois/Neuilly.
Offices assurés par Yoni ATTLANE et David Haïm GUEZ et nos payitanim