ACTEUR ET NON SPECTATEUR « Que mon enseignement s’épande comme la pluie, que mon discours distille comme la rosée… » (Deutéronome 32-2)
En préambule du long poème qu’il composa avant de mourir, Moché prend à témoin le ciel et la terre ; il exhorte les enfants d’Israël à étudier la Thora, la comparant ainsi à la pluie et à la rosée, indispensables à la vie sur terre, tout autant qu’elle. A ce propos, il est enseigné dans le Talmud (Nédarim 32a) que : « Grande est l’importance de l’étude de la Thora, car sans elle, le monde n’existerait plus ». Nos sages tirent cet enseignement du verset « Ainsi parle l’Eternel : si mon pacte avec le jour et la nuit pouvait ne plus subsister, (alors) je cesserai de fixer des lois au ciel et à la terre » (Jérémie 33-25). Le pacte dont il est question dans ce verset, est le devoir d’étudier la Thora jour et nuit, puisqu’elle est le but de la création du monde. C’est pourquoi, si ce pacte était rompu, si l’étude de la Thora venait à faire défaut ne serait-ce qu’un instant, Dieu cesserait de maintenir les règles de la nature et l’univers tout entier disparaitrait. Il est clair à présent, qu’en comparant la Thora à la pluie et à la rosée, Moché insiste sur l’ampleur des conséquences désastreuses qu’engendrerait l’abandon de l’étude de la Thora. Cependant, une question subsiste : Pourquoi dans son analogie, Moché utilise-t-il la pluie et la rosée ? L’une ou l’autre n’aurait-elle pas suffit à faire passer le message ?
Dans son livre Avraham Yaguel, Rebbi Avraham Cohen¹ z”l, explique qu’une différence fondamentale existe entre la pluie et la rosée. En effet, la pluie reste un phénomène naturel totalement dépendant des conditions météorologiques, ainsi elle peut se faire rare à certaines périodes et abondante à d’autres. La rosée quant à elle, est un phénomène perpétuel et quasiment indépendant des facteurs environnementaux. Il en est de même pour l’étude de la Thora, poursuit Rebbi Avraham, car à l’image de la pluie, certains n’étudient la Thora que périodiquement, profitant occasionnellement de cours dispensés par les érudits. Si cette étude est largement louable, elle reste tout de même insuffisante, puisque dépendante des érudits en Thora, et si ceux-là venaient à manquer, ces personnes se retrouveraient oisifs et dépourvus d’étude. A l’inverse, celui qui acquiert une autonomie dans son étude de la Thora, est semblable à la rosée qui se dépose quotidiennement sur le sol de façon régulière. Ainsi, grâce à ses efforts personnels, chacun acquerra une liberté complète au niveau de l’étude et pourra s’adonner à la Thora avec une totale indépendance.
Si le maître est indispensable à l’enseignement, l’homme doit également apprendre à voler de ses propres ailes, de façon à devenir lui aussi un ‘acteur’ de la Thora et plus un simple ‘spectateur’.
Errata : Dans le commentaire que nous avons publié sur Roch HaChana (intitulé : un jugement adouci), une erreur est apparue. Voici la correction : « De plus, il est bien connu que l’appellation de Dieu sous le nom de « אֱ-לֹ-הִ-י-ם » (Dieu) exprime l’attribut de rigueur, alors que celui de « יְ-ה-וָ-ה » (l’Eternel) reflète la miséricorde. ». De plus, la formule « Chana Tova OuMétouka » comprenait une légère faute de grammaire, car lorsqu’un Waw conjonctif ponctué d’un Chourouk précède une consonne avec un Shéva, ce dernier devient immobile (na’h), on dira alors Chana Tova Ou-Mtouka.
Aryé Bellity
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¹ Rebbi Avraham Cohen HaShéni (le deuxième), contemporain de Rebbi Yç’hak Taieb et de Rebbi Yéhouda Nadjar, il figure parmi les grands sages de Tunis entre ~1740 et 1840. Vers 1830, il monte en Israël accompagné de Rebbi Yéhouda Cohen Tannoudji, un proche parent par alliance. Rebbi Avraham décède à Safed en 1840. Il est l’auteur du Avraham Yaguel, un recueil profond de commentaires du Talmud, du RAMBAM et du Shoul’han ‘Aroukh ainsi que de réflexions personnelles sur la Thora. Son œuvre est imprimée à Livourne en 1843 avec l’imprimatur de Rav Chelomo Moché Suzin – grand rabbin d’Israël de 1824 à 1836 – dans laquelle celui-ci couvre d’éloges Rebbi Avraham qu’il rencontra lors de son voyage à Tunis en 1803.